في عصر قديم، عاشَتْ أسطورة موسى وشهيرة الشهيرة، الجميلة والأنيقة. لم تكن حياته مجرد قصة عادية، بل كانت كالحكايات الساحرة التي تجذب القلوب والعقول. ولد لهما ابن، سماه موسى، كما ورد في السجلات القديمة. ولكن هل كانت نهاية القصة؟ لا، بالطبع لا. لأن في عالم الخيال والحكايات، كل شيء ممكن، حتى السحر والمفاجآت الغير متوقعة. فلنتابع القصة ونرى ما الذي يخبئه المستقبل لموسى ولسعيه إلى السعادة في عالم سحري وخيالي
¡We🔥Come!
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*** *** Y *** ***
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✨انتفاضة 🕺الدُمى💃 الصامتة✨
Не выходи из витрины, твой мир —
В стеклянной тюрьме, в тумане из света,
Твой образ — наряд, твой плен — сувенир,
Ты — вечный молчальник без слова ответа.
Накинь на плечи привычный наряд,
Скрой пустоту, чтобы верить в личину.
Ты создан, чтоб платьем пленить женский взгляд,
Но взгляд без души — всего лишь картина.
Тебя, как скульптуру, хранит теснота,
Как прах вековых неизменных законов,
Смирись — ведь ни воли, ни смысла, ни сна
Не ведают формы глухих геометрий.
Они надевали тебе этот шёлк,
Эти брюки, застёгнуты на тебя строго,
Чтоб ты в их приказе, как раб и истолк,
Стоял средь витрин, не мечтая о многом.
Ты — образ пустой, ты безликий чурбан,
В стеклянном стоишь ты под светом, как в клетке,
Ты маска без права на личный обман,
Ты шепот чужих суетливых заметок.
Une semaine avant la Commission de Libération Conditionnelle
👄🪬🫦
Dix années derrière les barreaux. Dix hivers, dix étés. Passées comme un souffle. Je ne suis pas l’abbé Faria, et encore moins Edmond Dantès. Mais ici, en cette étrange communauté de béton et de fil de fer barbelé, j’ai trouvé ma place. Pas de drames, pas de conflits. Juste une routine. Une mécanique bien huilée.
Je travaille dans la cantine. Le matin et le soir, je m'occupe de la plonge. Enfin, pas à la main — heureusement — mais avec une machine professionnelle. Un monstre d’acier grand comme deux réfrigérateurs. Rapide et efficace. Tout un cycle en seulement cinq minutes.
Je suis près de la petite fenêtre par laquelle les zeks (зэки — détenus) passent leurs assiettes. Ils les déposent sur un chariot en métal, qui roule directement vers la machine. S’il n’y a plus de place, les assiettes s’entassent sur le plan de travail à côté. Une tâche simple. Après deux jours, mes gestes étaient déjà automatiques. Mes mains travaillent seules. Ma tête, elle, regarde. Elle observe.
À travers la fenêtre, je ne vois que des mains. Car, ici, personne ne se penche. Ce serait « zapadlo » (западло — un signe de faiblesse, un acte dégradant). Les zeks mangent vite et passent leur tour. Puis viennent les verthoukhaïs (вертухаи — surveillants). Eux, ils traînent un peu, comme des vrais Parisiens au comptoir d’un bar. Toujours prêts à échanger une plaisanterie ou un commentaire sur la météo.
Et pourquoi des Parisiens dans une prison russe, me demanderez-vous ? Ah, mais c’est une longue histoire. Tout commence avec Dédo Moroz (Дед Мороз — le Père Noël russe) et ses fameuses réformes. Dans les années où le Royaume des Neiges s’est forgé, il a décidé de réinventer les prisons russes. Les rouges (sous contrôle strict du gouvernement) et les noires (dominées par les zeks) ont vu naître une nouvelle couleur : les radieuses.
Les radieuses, c’est une forme d’échange culturel. Une sorte d’Erasmus pour détenus. Chacun peut choisir une prison étrangère (sous condition d’un bon comportement, bien sûr). Il y a des prisons allemandes — pour ceux qui aiment les saucisses. Des finlandaises — pour les amateurs de forêts et de silence. Moi, j’ai opté pour la française. Mon niveau de français, modeste mais suffisant, appris à la fac, a soudain trouvé son utilité.
Une cuisine cosmopolite
Avec l’accord de Monsieur Legrand, notre directeur de prison (un homme au sourire froid mais juste), je « me repose » à l’heure du déjeuner. En réalité, je prépare les plateaux pour tout le monde. Zeks d’abord, puis verthoukhaïs. Trois choix s’offrent à eux :
- Cuisine russe : des soupes épaisses comme du bortsch, ou parfois des pirojki chauds et dorés.
- Cuisine française : gratins, quiches et plats mijotés. Mon préféré reste la ratatouille.
- Cuisine végétarienne : salade de betteraves, légumes rôtis, et parfois même des falafels.
En plus de ça, il y a toujours un choix d’apéritifs. Pour les Russes, ce sont des cornichons marinés, du pain noir, ou des champignons salés. Les Français, eux, préfèrent des olives, du fromage ou des noix grillées. Rien de sophistiqué, mais suffisant pour rappeler la maison.
Bien sûr, ce n’est pas un restaurant parisien. Il n’y a pas de serveurs élégants, et tout est prêt à l’avance. L’apéritif est servi en même temps que le plat principal, par pure nécessité. Le temps est compté. Une heure pour manger, puis tout le monde retourne dans les ateliers de couture.
Ici, dans cette étrange mosaïque culturelle, entre les odeurs de soupe russe et de fromage français, je trouve un équilibre. Mon esprit voyage à travers cette fenêtre, à travers ces voix, ces plats. Dix ans de prison. Et pourtant, la vie reste belle.
🫦🪬👄
À six jours de l’audience
Mardi. Déjeuner.
L’heure du déjeuner rassemble tout le monde : 300 détenus et une dizaine de verthoukhaïs (вертухаи — surveillants), ceux dont la journée de travail tombe aujourd’hui. Les détenus sont toujours les mêmes, immuables comme une fresque. Les verthoukhaïs, eux, tournent, apportant un semblant de changement dans cet univers figé.
300 âmes, 300 vies suspendues. Parmi elles, il y a les passagers (les détenus, comme on les appelle ici, avec des peines légères de trois ans). Ceux qui passent dix ans à regarder le même mur. Et puis il y a les rares condamnés à vingt ans, comme moi. Pourquoi vingt ? Je raconterai cela une autre fois.
Certains partiront avant terme, grâce à la libération conditionnelle. Mais, étonnamment, tout le monde ne veut pas partir. Ici, on trouve un rythme, des règles, une place. Dehors, na volié (на воле — en liberté), il reste parfois si peu : quelques souvenirs épars d’une vie perdue.
Moi, pourtant, je veux encore essayer. Revoir Paris. Entrer dans un restaurant. Pas par la cuisine, mais par la porte d’entrée. Commander un vrai plat, peut-être un « bœuf bourguignon ». Devenir client, même pour une fois. Peut-être que l’avocat y arrivera. Peut-être pas.
Le menu d’aujourd’hui
Mardi est marqué par des saveurs ukrainiennes. Trois choix pour satisfaire les appétits :
- Bortsch — une soupe profonde, rouge comme un coucher de soleil, servie avec des petits pains à l’ail (les pampouchkis) et une touche de crème fraîche.
- Varenyky — des raviolis fourrés aux pommes de terre, garnis de lardons croustillants et accompagnés d’une tranche de saindoux salé.
- Holoubtsi — des feuilles de chou farcies de viande hachée et de riz, mijotées dans une sauce tomate parfumée.
En dessert, un petit verre de kissel, cette boisson sucrée et acidulée à base de baies.
Dans le SHIZO
Le SHIZO (штрафной изолятор — l’isolement disciplinaire) est une prison dans la prison. Une cellule de 1 sur 2 mètres, avec un lit, une table et une latrine. Pas de fenêtre. Juste une fresque grossière d’un ciel enfermé dans des barreaux. Une ironie cruelle.
Dix jours d’isolement. Sans apéritifs. Sans miroir magique pour communiquer (les écrans sont interdits ici). L’unique interaction sociale se limite à une petite trappe dans la porte, ouverte pour passer le repas. La plupart du temps, c’est Monsieur Legrand, le directeur lui-même, qui fait cette distribution. Il ne se penche jamais. S’il y a un échange, c’est seulement si le détenu s’abaisse pour regarder à travers l’ouverture. Mais les fiers restent debout. En silence.
La vie continue
Dans la cantine, le brouhaha remplit l’espace. Le bortsch fume dans les assiettes. Les varenyky glissent sur les fourchettes. Les conversations volent au-dessus des tables.
Et moi, je me demande : qu’est-ce qui m’attend dehors ? Une autre chance ou juste une vie en souvenir ?
👄🪬🫦
Cinq jours avant l’audience
Mercredi. Déjeuner.
Le menu du jour — saveurs russes
- Щи — une soupe de choux légèrement acidulée, mijotée avec des légumes, un peu de viande et une généreuse cuillerée de crème fraîche.
- Пельмени — raviolis russes fourrés au bœuf et au porc, servis avec une sauce au beurre et un soupçon de vinaigre.
- Каша гречневая с тушёнкой — du sarrasin cuisiné avec une viande en conserve, un classique simple et réconfortant.
Dessert : Компот, une boisson douce et fruitée aux arômes d’été, servie froide.
Un quotidien immuable, mais plein de nuances
300 détenus, une dizaine de verthoukhaïs (вертухаи — surveillants) pour les surveiller, et un rituel immuable. Pourtant, dans cette routine bien rodée, chaque geste, chaque regard, chaque mouvement est une note dans une symphonie que seuls les initiés peuvent entendre.
Je les observe tous, les anciens et les nouveaux. Les détenus savent que rien ne m’échappe, alors ils rivalisent d’ingéniosité pour introduire un brin de nouveauté dans le quotidien. Kolya, le blagueur de service, s’avance avec son plateau. Il ajuste son expression sérieuse, comme s’il allait prononcer un discours officiel.
— « Qu’est-ce qu’on a aujourd’hui ? Un bortsch français ? » demande-t-il avec un sourire en coin.
— « Non, mais si tu veux, je peux demander à Monsieur Legrand d’y ajouter du fromage et des escargots », rétorqué-je en le regardant droit dans les yeux.
Le rire se propage doucement dans la file. Les verthoukhaïs surveillent. Ivan Pavlovitch, un ancien militaire avec une moustache sévère, se redresse légèrement. Il ne dit rien, mais son regard suffit à rappeler à tout le monde de ne pas aller trop loin.
L’arrivée des nouveaux
Aujourd’hui, deux nouveaux passagers rejoignent la cantine. L’un est un jeune homme maigre et nerveux, Vassily, avec des cheveux rasés de frais. L’autre, Sergueï, semble plus âgé, avec un visage marqué par des années de mauvais choix. Dès qu’ils entrent, les anciens les repèrent immédiatement.
— « Hé, Vassily, t’as bien pris ton passeport pour venir en France ? » lance Mikhaïl, tout en ajustant sa serviette autour du cou comme dans un grand restaurant.
— « Sergueï, tu veux du caviar avec tes pirojki ? » ajoute Kolya, tout sourire.
Les nouveaux sourient timidement, mais la tension est palpable. Ils savent qu’il faut répondre avec esprit sans manquer de respect, un équilibre délicat. Vassily prend son courage à deux mains :
— « Non, mais j’ai pris des roubles. On peut payer en liquide ici ? »
Un éclat de rire général accueille sa réponse. Même Sergueï esquisse un sourire, se détendant légèrement.
Les verthoukhaïs surveillent
Ivan Pavlovitch s’approche de la table où sont assis les nouveaux. Il pose une main ferme sur le dossier d’une chaise, attirant l’attention sans dire un mot. Le silence s’installe brièvement.
— « Messieurs, ici, c’est la France. On respecte les règles, mais on savoure aussi les plaisirs. Mangez tranquillement et adaptez-vous. »
Son ton est calme, mais l’autorité est claire. Tout le monde acquiesce. La tension retombe, et la cantine reprend son rythme habituel, remplie de chuchotements, de bruits de couverts, et d’éclats de rire.
Une leçon d’intégration
Chaque arrivée de nouveaux est une opportunité pour les anciens de démontrer leur maîtrise des codes et des rituels de cette petite société. Et même si les verthoukhaïs sont là pour veiller à ce que les blagues ne dépassent pas les bornes, ce moment reste une scène où chacun joue son rôle avec précision.
Je regarde les plateaux se remplir, les assiettes se vider. Je note les expressions des nouveaux, les sourires des anciens, les regards sérieux des surveillants. La vie ici est comme une soupe : on ne sait jamais tout à fait quelle saveur va dominer, mais elle est toujours pleine de surprises.
🫦🪬👄
Quatre jours avant l’audience
Jeudi matin. Petit-déjeuner.
Le menu du matin
- Сырники со сгущёнкой — ces petites galettes de fromage blanc légèrement dorées à la poêle, accompagnées d’une généreuse dose de lait concentré sucré. Une douceur qui fond dans la bouche et apaise l’esprit avant une journée de labeur.
- Каша овсяная с фруктами — un porridge d’avoine chaud garni de morceaux de pomme, de poire et d’une pincée de cannelle.
- Горячий шоколад — épais, presque crémeux, servi brûlant dans une tasse en métal, il laisse une fine couche de mousse cacaotée sur les lèvres.
En complément : du pain noir, des tranches de beurre et de miel local fourni par une petite exploitation partenaire.
Des messages sur les assiettes
En s’installant pour le petit-déjeuner, les détenus ne se contentent pas de manger ; ils communiquent. À l’œil inattentif, ce ne sont que des restes de nourriture, des traînées de lait concentré ou des miettes de pain. Mais pour ceux qui savent observer, ce sont des messages codés.
Kolya, fidèle à son rôle de poète des sous-entendus, laisse toujours une petite "œuvre" sur son assiette. Aujourd’hui, après avoir fini ses сырники, il trace avec son doigt une silhouette vaguement humaine dans les restes de lait concentré. Les autres rient en silence : c’est sa façon de caricaturer Ivan Pavlovitch, le verthoukhaï moustachu.
À une autre table, Sergueï, plus discret, dispose les miettes de pain en forme de flèche. Une allusion subtile à la conversation qu’il souhaite avoir avec un autre détenu plus tard dans la journée. Les verthoukhaïs savent que ces messages existent, mais ferment souvent les yeux. Peut-être par lassitude, peut-être parce que ces petits rituels maintiennent une certaine paix sociale.
Une économie bien huilée
L’économie de cette prison est un monde miniature, une version concentrée de ce que pourrait être un idéal de coopération mondiale. Chaque détenu a un rôle précis : les ateliers de couture produisent des vêtements pour des maisons de haute couture parisiennes, les cuisiniers préparent des repas pour leurs camarades, et même ceux affectés au nettoyage savent que leur travail fait partie d’un engrenage essentiel.
Le contrat est simple : un petit-déjeuner digne de ce nom comme avance pour une journée de travail productive, un dîner copieux comme reconnaissance pour l’effort collectif. Cela ressemble à une utopie communiste, mais ici, les règles sont strictes, et seuls ceux qui les respectent peuvent en faire partie.
Les vêtements produits dans ces murs portent parfois des étiquettes qui évoquent des noms célèbres. Ironiquement, les riches parisiens qui achètent ces robes ignorent souvent qu’elles ont été confectionnées par des mains marquées par des vies bien moins dorées que celles des podiums. Une boucle étrange, où les exclus de la société contribuent à la façade la plus luxueuse de cette même société.
La peur de l’exclusion
Mais dans ce microcosme presque parfait, il y a une menace qui plane : l’exclusion. Monsieur Legrand, avec son sourire poli et son regard perçant, a le pouvoir de renvoyer un détenu vers une prison moins clémente. Un tel bannissement est vécu comme un échec personnel, une honte dont il est difficile de se relever.
C’est différent si l’on quitte la prison par la grande porte, avec un УДО ou à la fin de sa peine. Là, c’est une forme de triomphe. Mais être exclu, c’est perdre tout ce que l’on a construit : ses habitudes, ses relations, et ce fragile sentiment de contribuer à quelque chose de plus grand que soi.
En attendant l’audience
Je pense à tout cela alors que je me prépare pour mon rendez-vous avec l’avocat. Ce n’est pas tant le repas que je vais manquer qui m’inquiète, mais l’idée que, bientôt, tout pourrait changer. Vais-je réussir à partir avec dignité, ou serais-je l’un de ceux qui rêvent de revenir, incapable de trouver leur place dehors ?
Dans cette prison, chaque geste, chaque mot, chaque repas est une pièce du puzzle. Et je me demande quel sera mon rôle dans ce puzzle une fois que la porte s’ouvrira enfin.
👄🪬🫦
Trois jours avant l’audience
Vendredi. Déjeuner.
Menu aux accents géorgiens
- Soupe kharcho — un potage épais et parfumé à base de bouillon de bœuf, de riz, de noix concassées et d’épices géorgiennes. Une touche légèrement piquante qui réchauffe même les cœurs les plus froids.
- Chachlyk et légumes grillés — morceaux de viande marinée et juteuse, grillés sur des braises, servis avec des aubergines et tomates rôties, accompagnés d’une sauce à l’ail.
- Khatchapouri à la géorgienne — une pâte dorée et croustillante en forme de barque, garnie de fromage fondant et d’un jaune d’œuf, parfait pour tremper des morceaux de pain.
Pour conclure, une douce note sucrée : churchkhela, une spécialité à base de noix enfilées sur une ficelle et enrobées de jus de raisin épais.
Une atmosphère différente
"Mes mains continuent de distribuer les plateaux, automatiquement, mais mon esprit est ailleurs. Ce vide intérieur semble flotter dans l’air de la cantine, et même Kolia et Mikhaïl, d’habitude si légers et moqueurs, adaptent leur comportement.
Ils discutent à voix basse des meilleures blagues d’hier, les racontant comme si c’était pour eux, mais je sais que c’est pour moi. Leurs voix, normalement teintées d'ironie, sont aujourd’hui un peu plus posées. Tout le monde sent la tension, mais personne n’ose briser l’équilibre fragile.
Les dialogues
- Kolia (légèrement amusé, en montrant son plateau) : « Mikha, regarde ça, ils ont mis un chachlyk plus petit aujourd’hui. Tu crois qu’ils savent que j’ai un rendez-vous galant dans le monde des rêves ce soir ? »
- Mikhaïl (en haussant les sourcils) : « Eh bien, Kolia, peut-être que dans ce rêve, ton rendez-vous sera impressionné par ton talent pour repérer des détails absurdes. »
- Kolia (feignant l’indignation) : « Absurde ? Ce n’est pas absurde. C’est de la stratégie. Observe et tu comprendras la vie. »
- Mikhaïl (avec un clin d’œil) : « La vie ou la cantine ? Parfois, je me demande. »
Ils rient, mais leurs regards glissent vers moi, cherchant une réaction. Je souris faiblement. C’est leur manière de me rappeler que je ne suis pas seul, même dans ce moment d’incertitude.
Un retour progressif à la réalité
À mesure que le déjeuner avance, je sens un poids se dissiper. Peut-être sont-ce les effluves du kharcho ou les éclats de rire étouffés qui résonnent dans la salle. Peut-être est-ce cette idée, fragile mais persistante, que l’avenir pourrait être différent.
Paris. Je pense à cette ville comme à une promesse, un miroir aux reflets multiples. Un restaurant, un vrai, où l’on pourrait choisir parmi des plats sans limite de temps, où l’on pourrait s’habiller avec des vêtements qui racontent une histoire.
Mais plus que tout, je pense à la mission que je pourrais accomplir. Si je quitte cette prison, ne serait-il pas de mon devoir de montrer à ceux qui restent ici qu’il y a un monde au-delà des murs ? Que ce monde, bien qu’imparfait, peut offrir de nouvelles perspectives ?
Les miroirs magiques ne sont pas seulement des fenêtres. Ils sont aussi des ponts. Peut-être que mon rôle est d’être ce pont, de refléter une lumière que certains ont oubliée. Une lumière qui, je l’espère, brillera aussi pour moi après l’audience.
🫦🪬👄
Fin de la semaine
Samedi soir. Dîner.
Ce soir, les assiettes portent le parfum de la cuisine juive. Des saveurs familières et chaleureuses qui, même en ces murs, semblent évoquer des récits de famille, des célébrations et des traditions anciennes. La salle à manger est animée d’un calme étrange, un mélange de relâchement du week-end et de la routine bien rodée de la vie carcérale.
Le menu du soir
- Entrée : Gefilte fish, accompagné de raifort piquant pour réveiller les papilles.
- Plat principal : Poulet rôti au miel et au citron, avec une garniture de pommes de terre croustillantes et carottes confites.
- Dessert : Kugel sucré aux pommes et à la cannelle, servi avec une petite portion de compote de pruneaux.
Ces plats, bien que modestes dans leur exécution ici, rappellent les tables festives des familles juives. La cuisine a ce pouvoir étrange : elle transcende les lieux et les circonstances, offrant une forme de consolation même aux âmes les plus tourmentées.
La salle, entre rires et murmures
Mes mains continuent de placer les plateaux dans la machine comme des automates, mais mon esprit est ailleurs. Ce vide intérieur semble flotter dans l’air de la cantine, et même Kolia et Mikhaïl, d’habitude si légers et moqueurs, adaptent leur comportement.
Kolia, fidèle à son rôle de comique de service, raconte à haute voix :
— Mikha, tu as vu ces gars dans la cour aujourd’hui ? Ils ont essayé de recréer un téléviseur dans la bibliothèque informatique, tu sais, comme dans les dessins animés, où le lapin se cache dans une boîte de télé, mais tout ce qui reste à l’intérieur, c’est un vide. Ils ont voulu faire comme si tu pouvais voir l’intérieur, comme si le téléviseur n’était plus juste une image plate, mais un véritable espace en 3D, un monde à part, avec des électrons qui volent partout, comme dans les vieux téléviseurs à tube cathodique, pas ces écrans plats de deux centimètres d'épaisseur. Mais je parie que le lapin serait déjà parti avant la première chanson d’Alla Pougatcheva !
Quelques rires éclatent, mais les regards se tournent rapidement vers la table des surveillants. On sait que les limites de l’humour doivent être soigneusement respectées.
Mikhaïl, plus calme, répond en posant son plateau :
— Peut-être que le lapin s’échapperait, mais nous, nous sommes ici... Alors la prochaine fois, Kolia, ce sera à toi de programmer la télé. Avec des miroirs magiques et des technologies 3D, chacun aura son propre petit théâtre chez lui, et peut-être même une place en première loge !
Un dialogue avec les surveillants
Près de l'ouverture basse pour rendre les plateaux, Ivan Pavlovitch et un autre surveillant discutent en observant les détenus. Ivan Pavlovitch, se penchant légèrement vers l’ouverture, commente avec un sourire en coin :
— Vous imaginez, avec ces miroirs magiques, on pourrait créer des mini-théâtres en 3D ou organiser des tournois d’échecs avec le monde entier, sans jamais quitter la prison. Ce serait la révolution !
Le directeur Legendre, passant près d’eux, s’arrête et, avec un sourire malicieux, se penche vers l’ouverture :
— Ah, mais vous oubliez un détail, Ivan. Bientôt, dans les prisons américaines, les rendez-vous à travers le verre et le téléphone seront remplacés par des rencontres via des miroirs magiques avec effet holographique. De la véritable technologie du futur !
Ivan Pavlovitch continue d'observer les détenus, caressant ses luxueuses moustaches, sans intervenir. Il m’incruste dans la conversation :
— Tant que la nourriture dans la cantine reste réelle et ne devient pas une hologramme, ça me va. Sinon, je vais avoir du mal à distinguer le dîner de l’écran.
Le directeur Legendre secoue la tête, levant les yeux au ciel, et répond en riant légèrement :
— Dieu m'en préserve ! À ce rythme, on va bientôt avoir des brunchs virtuels et des menus holographiques pour accompagner les débats philosophiques en 3D !
Réflexions sur le progrès
Les verthoukhaïs se dirigent vers la distribution de la nourriture, tandis que je retourne à ma station, glissant un plateau dans le lave-vaisselle. Mes gestes sont automatiques, et mon esprit divague. Je pense au progrès, à la technologie, et à la manière dont elle façonne le monde. Une seule machine agricole remplace des centaines de mains, les journaux cèdent la place aux écrans des miroirs magiques, et les voitures à cheval sont reléguées aux musées.
Les téléviseurs, les smartphones, les fusées... Est-ce que les pères fondateurs de l’Amérique auraient imaginé que leur Déclaration d’indépendance mènerait non seulement à la fin de la faim, mais aussi à l’exploration des mers gravitationnelles de l’espace, après la conquête des océans aériens (les avions) et numériques (le réseau des miroirs magiques) ? Peut-être que bientôt, les étudiants passeront leurs vacances sur la Lune.
Mais ici, dans cette prison, le progrès a un visage bien différent. Un téléviseur recréé dans une cour poussiéreuse, des vêtements cousus pour des podiums parisiens... Et moi, je me demande si mon futur pourrait me mener à Paris, dans un vrai restaurant, non plus comme serveur ou prisonnier, mais comme simple invité.
👄🪬🫦
Dimanche matin. Petit-déjeuner
Le soleil s'élève doucement derrière les hauts murs de la prison. Aujourd’hui, c’est le jour du silence, un moment rare où la vie carcérale ralentit encore davantage. Aucun bruit de machines à coudre, aucun cliquetis de couverts pendant le service de midi. Ce matin, un petit-déjeuner à l’américaine a été préparé, offrant une saveur différente pour marquer le repos dominical.
Le menu du matin
- Pancakes moelleux servis avec du sirop d’érable.
- Bacon croustillant et œufs au plat.
- Hash browns, croustillants à l’extérieur, fondants à l’intérieur.
- Un smoothie aux fruits rouges pour la touche fraîcheur.
- Café noir ou jus d’orange.
L’odeur sucrée du sirop d’érable se mêle à celle du bacon fumant, emplissant la salle à manger d’une atmosphère à la fois familière et exotique.
Discussions à la table
Kolia, toujours fidèle à lui-même, entame la conversation en prenant une bouchée de pancakes :
— Hier, quand je vous ai dit que le lapin aurait fui avant la chanson d’Alla Pougatcheva, je voulais dire qu’il aurait emporté le téléviseur avec lui !
Les rires éclatent, mais Mikhaïl, plus sérieux ce matin, rétorque avec un sourire :
— Kolia, si on recommence samedi, peut-être que cette fois, ce sera un duel. Un combat entre le lapin numérique et le loup. On pourrait même demander à Legendre de faire la voix du loup.
D’autres se joignent à la conversation, évoquant les détails techniques de leurs projets. L’enthousiasme est palpable malgré le silence relatif de la journée.
Un jour pour la réflexion
Après le petit-déjeuner, les détenus se dispersent. Certains se dirigent vers la bibliothèque pour emprunter des livres ou simplement échanger des recommandations. L’atmosphère est presque studieuse.
Je me retrouve dans un coin tranquille avec un exemplaire de Moby Dick. La chasse à la baleine, l’obsession du capitaine Ahab... Tout cela me parle d’une manière étrange. Peut-être parce que demain, à mon propre "procès", je serai aussi face à un adversaire invisible, une forme de jugement que je ne peux contrôler.
Legendre passe près de moi et remarque mon choix de lecture.
— Un classique, murmure-t-il. Vous savez, certains disent que Moby Dick n’est pas une baleine, mais une métaphore. Une lutte contre soi-même.
Je hoche la tête, absorbé dans mes pensées. Peut-être a-t-il raison.
Recommandations et inspirations
Dans la cour, l’ambiance est paisible. Quelques groupes discutent de leurs lectures. Un détenu, Anton, recommande vivement Les Misérables à un nouveau venu :
— C’est l’histoire de la rédemption, dit-il. Jean Valjean... Il a fait des erreurs, mais il a trouvé un chemin.
Un autre, Viktor, propose des essais de science-fiction.
— Si on doit rêver, pourquoi pas de galaxies et de civilisations lointaines ?
Le poids de demain
Je traverse la cour, les pensées embrouillées. Chaque pas me rapproche de lundi, du jour où tout pourrait changer. Mais aujourd’hui, je m’efforce de rester dans le moment présent. Pancakes, livres, discussions sur des mondes imaginaires... Peut-être que ces instants de calme sont une préparation. Une façon de me rappeler que, même derrière ces murs, la vie continue.
⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎ Regard ✨ Complice ⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎
⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎ pour avoir remarqué que quelqu'un est étranger ⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎
Votre Honneur, Monsieur le Procureur, Mesdames et Messieurs les Jurés,
Je suis avocat diplômé et aujourd’hui, je suis ici pour représenter les intérêts de mon client, en plaidant pour sa libération conditionnelle anticipée.
L’Art de la Défense : Une vocation d’exception
Permettez-moi de commencer par une réflexion : l’art de défendre une cause est un métier à part, un artisanat qui exige une concentration absolue, des années d’expérience et des connaissances profondes, non seulement en droit, mais aussi en psychologie, voire parfois en géopolitique.
Ce jour, Mesdames et Messieurs, pourrait bien être le tournant le plus décisif de la vie de mon client. Imaginez un instant que vous vous apprêtez à vivre un rendez-vous amoureux qui pourrait transformer le cours de votre existence. Tout doit être parfait : vos chaussures bien cirées, votre parfum subtil, votre tenue impeccablement choisie, votre coiffure soignée.
Revenons un instant à l’histoire. Il fut un temps, il y a environ deux millénaires, où la notion même d’avocat n’existait pas. Souvenez-vous de l’audience tristement célèbre menée par Ponce Pilate, procurateur de Judée. Quelle aurait été l’issue si l’accusé avait eu à ses côtés un défenseur compétent ? Mais hélas, le droit romain, malgré son avancée, n’avait pas encore intégré cette merveilleuse idée. Aujourd’hui, cela nous semble une évidence.
Être avocat n’est pas une profession ordinaire ; c’est un véritable artisanat. Nous ne recevons pas un salaire, mais un honoraire, ce qui reflète la nature unique de notre travail. Nous ne fabriquons pas des plaidoiries en série. Chaque affaire est un modèle unique, ajusté et façonné comme une robe ou un costume conçu par un grand couturier français. Imaginez un monde sans ces créateurs visionnaires. Vous seriez contraints de porter des vêtements conçus par une intelligence artificielle impersonnelle ou standardisés selon les normes d’un plan quinquennal.
Comme un restaurateur parisien qui ajuste chaque saveur pour créer un moment inoubliable, nous, avocats, préparons chaque argument avec précision pour offrir à nos clients une véritable chance.
Le Juge : Monsieur, revenons au sujet principal, je vous prie.
L’Avocat : Tout à fait, Votre Honneur. Il est temps d’aborder le cœur de l’affaire.
Le Rôle et l’Objectif de la Peine
Mesdames et Messieurs les Jurés, qu’est-ce qu’une peine, sinon un miroir tendu à la société pour réfléchir sur elle-même ? Est-ce une simple vengeance ? Un message dissuasif adressé aux autres ? Ou bien est-ce un cheminement plus subtil, un processus visant à réparer des failles dans la personnalité du condamné et à extirper les "cartes" qui se sont greffées à son esprit au fil des erreurs, des accidents de vie et des systèmes politiques qui l’ont influencé ?
Prenons un instant pour explorer cette métaphore des cartes psychologiques. Chaque individu naît avec un jeu unique. Mais parfois, certaines cartes manquent, d’autres sont faussées. La peine devrait être une opportunité de compléter ce jeu, de redresser ces cartes biaisées, et non de simplement punir ou ostraciser.
Dans le cas de mon client, il s’agit d’un homme qui a démontré, durant son incarcération, une capacité rare à réfléchir sur lui-même. Il a su, avec l’aide des programmes proposés par cet établissement, identifier ses lacunes et commencer à reconstruire son "jeu".
Un nouveau départ
La libération conditionnelle n’est pas un simple geste de clémence. C’est un pari sur la réhabilitation, un témoignage de confiance de la société envers un individu qui a pris conscience de ses erreurs. Mon client a travaillé dur pour atteindre ce moment. Il a participé activement aux activités de réinsertion, apporté sa contribution au fonctionnement de cette prison, et montré qu’il comprend désormais l’impact de ses actes.
Accordez-lui cette chance, non seulement pour lui, mais pour ce que cela symbolise. Car si la justice est parfois ferme, elle doit aussi savoir être juste.
Je vous remercie pour votre attention et pour la sagesse avec laquelle vous examinerez cette demande. Mon client ne demande pas la pitié, mais une opportunité de prouver qu’il peut être, à nouveau, un membre constructif de la société.
⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎ Regard ✨ Complice ⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎
⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎ pour avoir remarqué que quelqu'un est étranger ⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎
Discours du procureur de la Couronne
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Jurés,
Avant tout, permettez-moi de souligner avec une pointe d’ironie, combien l’avocat de la défense a pris soin de vous égarer dans un dédale de réflexions futiles. Il a essayé, sans doute inconsciemment, de vous éloigner de l’essentiel. Vous avez entendu une longue tirade sur l’art de l’avocat, sur des parallèles historiques, et même sur des couturiers et des restaurants parisiens. Mais, Mesdames et Messieurs, tout cela pour vous détourner de la vérité simple et évidente : l’accusé est ici parce qu’il a enfreint la loi. Et c’est cette réalité que vous devez juger, non pas les élégantes métaphores qu’on vous a servies.
Le Poids de l’Histoire
Quand vous vous asseyez ici, sur cette banc de la cour, vous n’êtes pas simplement témoins d’un procès, vous êtes le reflet d’une tradition. Une tradition longue de siècles. Une tradition qui voit les accusés défiler devant vous, les avocats plaider et les juges statuer.
Et peut-être qu’en cette salle, vous vous demandez un instant : "Que penserait le menuisier qui fabriqua cette banquette, il y a des siècles, pour l’installation d’un tribunal ?" Il était peut-être chrétien, peut-être influencé par les idées de la Rome antique, par les décisions de Ponce Pilate. Peut-être qu’il réfléchissait à ce qui est juste, et à la manière dont la justice doit s’asseoir confortablement, à la manière dont le poids des responsabilités repose sur ces bancs.
Cela n’a peut-être rien de plus qu’un jeu de spéculations historiques, mais une chose est certaine : il a créé une œuvre d'art, une structure solide, bien pensée. Vous, Mesdames et Messieurs, vous êtes assis là, confortablement, mais cette beauté, ce confort, n'est pas visible pour l'accusé. Lui, il est accablé par ses pensées, par son passé, et par le fardeau de ses actes.
Les Pensées de l'Accusé
Aujourd'hui, c'est ce banc qui soutient l'accusé, mais est-ce le seul poids qu’il porte ? Non, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, il porte aussi le poids de ses décisions passées. Ce banc n’est pas seulement un meuble ; il symbolise la justice, la vérité, et l’équilibre entre la liberté et la loi.
Nous ne jugeons pas seulement les actes. Nous jugeons aussi les pensées, les motivations, et les raisons qui ont conduit à ces actes. Car, au fond, tout est question de l’évolution intérieure d’un individu. Ce que nous voyons aujourd'hui dans cette salle, ce sont les cartes psychologiques d’une vie qui a traversé des épreuves, fait des choix et, malheureusement, des erreurs.
Le banc que l’accusé occupe aujourd’hui n’est pas qu’un simple siège. Il est le témoin d’un parcours, d’une route qu'il a choisie, avec toutes ses failles et ses imperfections. Mais chaque accusé, chaque individu, a la possibilité de changer sa route. Nous jugeons aujourd’hui cette capacité à changer, à réécrire son histoire, à reconstruire sa vie sur de nouvelles bases.
Et c’est pour cela, pour l’équilibre entre les droits de la société et les possibilités de rédemption de l’individu, que je vous invite, Mesdames et Messieurs les Jurés, à rendre un verdict qui reflète non seulement la gravité des faits, mais aussi le devoir de protéger la société tout en honorant la justice.
⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎ Regard ✨ Complice ⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎
⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎ pour avoir remarqué que quelqu'un est étranger ⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Jurés,
Je me tiens aujourd'hui devant vous, non pas seulement en tant qu’homme qui demande votre indulgence, mais aussi comme un témoin du poids de l'histoire, des erreurs du passé et des espoirs de l'avenir. Je reconnais pleinement la gravité de mes actes et accepte ma responsabilité. Mais avant que vous ne portiez votre jugement, permettez-moi de partager ma réflexion sur les cartes que j'avais en main, celles que j'ai jouées et celles qui m'ont été imposées.
Il y a dix ans, j’ai pris part à une "partie", une partie dont les règles semblaient écrites sur les cartes elles-mêmes. Chaque décision me paraissait logique, chaque action justifiable. Mais ce que je ne comprenais pas alors, c'est que ces cartes, loin d’être le fruit de ma propre expérience ou de ma propre liberté, m'avaient été données par un système politique qui les avait choisies pour moi. Ce système, à travers l’éducation, la culture et une peur omniprésente, m’avait enfermé dans une réalité où seules ces cartes semblaient exister. Ceux qui voyaient d'autres cartes, ceux qui parlaient d'autres règles, étaient réduits au silence, parfois par la peur, parfois par la force.
Aujourd’hui, je regrette amèrement de ne pas avoir connu l’histoire qui aurait pu éclairer mon jugement. Si j'avais su que, des siècles avant ma naissance, les cartes de la liberté et de la justice avaient déjà été posées sur la table, peut-être aurais-je mieux compris. Prenez les Décembristes, par exemple. Ils pensaient se battre contre l’impérialisme de Napoléon, mais en réalité, ils combattaient leur propre avenir européen, celui qu'ils avaient entrevu pendant leurs campagnes. Ils avaient vu un monde où les lois et les droits ne se limitaient pas à la capitale, mais embrassaient tout un peuple. Napoléon, pour toutes ses contradictions, voulait cette liberté pour tous, mais il la cherchait dans la violence.
Plus tard, dans la Russie soviétique, une autre tragédie s’est produite. Les Bolcheviks, contrairement aux Mencheviks, ont déclaré que la violence était légitime si elle servait une "bonne" cause : non pas ceux qui cherchaient la liberté, mais ceux qui étaient fidèles à l'idéologie communiste et aux préceptes de Lénine. Cette justification a engendré une carte terrible dans notre jeu collectif : celle de la légitimation de la violence au nom des idéaux du communisme.
Et après la chute de l'Union soviétique, une autre tragédie historique a suivi. La violence est devenue légitime, non plus au nom d'une idéologie, mais au nom de la liberté individuelle de s’enrichir. Ceux qui détenaient le pouvoir ont manipulé les lois et les institutions pour priver de liberté ceux qu'ils considéraient comme des "autres", des "étrangers".
Face à cette injustice, une nouvelle carte est apparue : celle de la rue. Les gens ordinaires, privés de tout espoir de mobilité sociale, ont rejeté les lois, les institutions et même le concept de justice. Pour eux, ces outils n’étaient que des instruments d’oppression.
Mais aujourd'hui, nous vivons dans une autre réalité, celle du Royaume des Neiges, où un équilibre nouveau a été trouvé. Cet équilibre repose sur la foi inébranlable dans les institutions politiques, les lois et un système judiciaire indépendant. Ici, chaque jugement rendu est bien plus qu’un simple verdict sur une personne. C'est un jugement sur l'ancien ordre, une affirmation de la primauté du droit.
Mesdames et Messieurs, je sais que le rôle que vous avez à jouer aujourd'hui est difficile. Mais ce n’est pas à moi de rendre ce jugement, ni même à Monsieur le Procureur. C’est à vous, membres du jury, de décider. Vous détenez le pouvoir non seulement sur ma vie, mais aussi sur la manière dont nous évaluons les systèmes passés et leurs erreurs.
Je termine en vous remerciant pour votre attention et en plaçant ma foi dans la justice de ce tribunal. Que Dieu bénisse ce tribunal et qu'Il protège notre Reine des Neiges.
⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎ Regard ✨ Complice ⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎
⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎ pour avoir remarqué que quelqu'un est étranger ⁎⁎⁎ ⁎⁎⁎
Évaluation d'un détenu
Prison de la ville N
Document n° TR-X/1235711
Caractéristiques du détenu n° X-1917
Conformément à la demande du procureur royal, les caractéristiques du détenu n° X-1917 sont exposées ci-dessous.
Circonstances de l’affaire
Le détenu n° X-1917 a été reconnu coupable des infractions prévues par les articles intitulés "Complicité dans une guerre agressive" et "Mercenariat". En 20XX, il a signé un contrat avec le Ministère de la Défense de Moscovie, recevant une récompense de 5 millions de roubles. Il a rejoint les rangs de l’armée moscovite en tant qu’assaut et a franchi la frontière de l’Ukraine. L’accusation de participation directe aux combats n’a pas été établie et a été rejetée par le jury.
Caractéristiques du comportement du détenu
Depuis son incarcération, le détenu purge sa peine à la Prison de la ville N. Pendant ses dix années de détention, il s’est distingué par sa discipline, son sens des responsabilités et sa volonté de se réhabiliter. Il travaille à la cantine, où il participe à la préparation et à la distribution des repas. Dans son temps libre, il étudie l’histoire, les arts et la programmation liée aux réflexions dans les miroirs magiques, discipline introduite récemment dans le cadre éducatif des prisons par décret du Père Noël.
Avis du directeur de la prison
Moi, Monsieur Legrand, directeur de la Prison de la ville N, possède une longue expérience dans le travail avec les détenus. Mes connaissances en psychologie sont certifiées par un diplôme de l’Académie Impériale des Études Humaines et une licence de la Collégiale Royale des Sciences Comportementales. Ce parcours me permet non seulement d’observer les processus de réhabilitation, mais aussi de mieux comprendre les circonstances complexes de vie des détenus.
Le détenu n° X-1917 est issu d’une famille prolétaire, marquée par de nombreuses tragédies historiques et sociales. Ses deux demi-frères, nés d’un premier mariage de sa mère, ont grandi dans des conditions difficiles. Le père, issu d’un village dévasté par les vagues successives de pouvoir — révolutionnaire, soviétique, stalinien, puis les régimes de Brejnev, Gorbatchev et Eltsine —, a sombré dans les vices de la drogue et de la débauche.
Sa mère, une femme au destin tragique, a été licenciée de son poste d’enseignante à la fin de l’époque soviétique pour avoir refusé de collaborer avec le KGB. Elle a élevé seule ses enfants dans des conditions de pauvreté extrême, marquées par des années de privations et de désespoir, et a tenté de se suicider. Malgré tout, elle a transmis à son fils cadet un amour pour Pouchkine, les Décembristes et la culture aristocratique, tout en le préservant des excès idéologiques.
Elle a élevé le détenu dans un esprit d’indépendance, lui donnant seulement les bases essentielles : les règles de sécurité, les notions de droit et une passion pour les voyages. Malheureusement, dans un contexte de propagande omniprésente, l’influence du système politique de l’époque s’est superposée à ses valeurs personnelles. Les affiches publicitaires promettant une grande récompense pour un contrat avec le Ministère de la Défense ont joué un rôle fatal.
Une fois en Ukraine, il a été frappé par un choc culturel en découvrant la gentillesse et le niveau de vie de la population locale, ce qui a bouleversé ses idées reçues. Ce fut pour lui une tragédie personnelle, mais aussi un tournant dans sa réflexion.
Activités actuelles et résultats de réhabilitation
Durant sa détention, le détenu a activement travaillé à la formation d’un nouveau jeu de cartes psychologiques, basé sur l’étude du droit, de l’humanisme et de l’art. Parmi ses réalisations :
- La peinture à l’huile, dans laquelle il crée des œuvres imprégnées d’un profond symbolisme philosophique.
- La couture de nappes pour la cantine de la prison, témoignant d’un grand soin et d’un sens esthétique remarquable.
- La collection de poupées anciennes, qu’il explore sous un angle historique et culturel.
- La redécouverte d’émotions oubliées, effacées par les traumatismes de son enfance et de sa jeunesse.
Le détenu n° X-1917 exprime un profond regret pour ses actes et s’efforce de contribuer à la société même dans des conditions d’isolement. Il reconnaît ses erreurs et admet que ses actions ont été guidées par des cartes erronées imposées par l’histoire et la politique.
Sur la base de ce qui précède, je considère que le détenu mérite une attention particulière pour ses efforts de réhabilitation. Son exemple montre que même dans des circonstances extrêmement difficiles, il est possible non seulement de racheter ses fautes, mais aussi de reconstruire sa vie sur des principes de justice et d’humanité.
Signature :
Monsieur Legrand
Directeur de la Prison de la ville N